Consortium eJustice :
L’intelligence collective au service de la justice
Le Consortium legaltech est une initiative de l’atelier LegalTech de l’ADIJ. C’est une association de loi 1901 à conseil scientifique en cours de constitution rassemblant des acteurs des legaltechs (avocats, universitaires, médiateurs, arbitres, greffiers, éditeurs, start-up, associations…) collaborant sur des projets de recherche et développement, afin de mettre leurs technologies à disposition du service public de la justice. L’adhésion est ouverte à toutes les entités publiques et privées.
Pour les membres fondateurs du Consortium, la numérisation doit rendre l’institution judiciaire plus accessible, plus équitable et plus efficace. Les outils numériques doivent permettre au personnel judiciaire de se concentrer sur le traitement des dossiers au fond et sur l’accueil des justiciables, afin d’améliorer leur perception et leur ressenti du système judiciaire.
Le développement du service public de la Justice doit s’appuyer sur les différents écosystèmes et mettre en place des règles de gouvernance pour gérer les biens communs mutualisés.
L’organisation du Consortium prend acte des échecs passés des modèles centralisés (A). Le Consortium propose un nouveau modèle axé sur la mise à disposition d’un cœur de plateforme existant, auquel viendront se greffer des briques fonctionnelles à développer dans le cadre de marchés publics étatiques français (B).
- Échec du modèle centralisé
- A l’international
Deux rapports internationaux récents ont mis en évidence l’échec des modèles centralisés pour la numérisation des services publics de justice :
- Une étude menée dans 48 pays par le Conseil de l’Europe a constaté que « les Etats qui sont partis les plus tôt dans cette course ne sont pas forcément les plus avancés aujourd’hui », car de nombreux systèmes d’information judiciaire ayant fait l’objet de « lourds investissements » ne « supportent ni mises à jour substantielles, ni extensions de fonctionnalités, pas plus que l’interconnexion avec d’autres applicatifs développés plus récemment ».
- Les travaux de recherche universitaires du Laboratoire de Cyberjustice de Montréal, menés par 36 chercheurs de 20 universités sur une période de 7 ans, ont mis en évidence que « les tentatives de numérisation de la justice ont souvent échoué en raison de leur approche top-down, impliquant une refonte complète du système caractérisée par un haut niveau d’investissement et des ambitions excessives ».
Le Consortium insiste en conséquence sur le caractère crucial d’une méthodologie agile, associant dès l’origine les usagers à la définition de ces briques fonctionnelles, qui doivent restées modulables dans le temps en fonction des retours de ces mêmes usagers.
- En France
En France, de nombreux projets de numérisation de la justice, tels que Cassiopée, ont été des échecs ou ont fait l’objet d’une dépense publique conséquente et non efficiente.
Au vu des échecs passés, le Consortium préconise d’abandonner le projet Portalis pour s’orienter vers un modèle de Justice Plateforme dans lequel une multitude d’acteurs des legaltechs pourront faire bénéficier au service public de la justice de leurs technologies existantes ou à développer. Sur le projet Portalis en particulier, le Consortium propose de remplacer le traitement public en amont des données de jurisprudence par un traitement collaboratif en aval, en menant un programme de co-développement entre l’Etat, les universitaires et les acteurs des legaltechs. Le Consortium préconise une innovation de rupture plutôt qu’une innovation incrémentale, qui se bornerait à ajouter des évolutions et correctifs à un système vieillissant développé dans les années 1980.
Au niveau interministériel, le projet Open Law a permis d’étudier la faisabilité d’une stratégie partenariale rénovée par le co-développement public-privé des services publics numériques. Dans la continuité de la stratégie dite de « l’Etat plateforme », plutôt que de définir les besoins du service public en interne au sein des services de l’Etat, le Consortium propose de favoriser une co-conception, ouverte et collaborative avec les usagers (juges, greffiers, médiateurs, avocats, justiciables…).
Plutôt que de poursuivre dans un modèle centralisé piloté par la Chancellerie et les administrateurs du RPVJ, le Consortium propose de mettre en place une plateforme collaborative commune de services et de technologies permettant une interconnexion des acteurs privés (éditeurs juridiques, start-up), du monde de la recherche (GIP Recherche et Droit…) et la puissance publique.

Parmi les projets piliers au cœur de ce programme figure l’open data des décisions de justice et le règlement en ligne de certains litiges.
- Avantage du modèle de Justice Plateforme
- Un cœur de plateforme gratuit, libre et opérationnel
Le Laboratoire de Cyberjustice de Montréal travaille depuis 20 ans sur les questions de digitalisation de la justice. Ayant bénéficié d’importants investissements publics et privés, il dispose d’un greffe numérique opérationnel, actuellement utilisé dans plusieurs tribunaux en Ontario et au Québec.
Ce greffe se décompose en un cœur de plateforme et un ensemble de modules fonctionnant ensemble ou séparément, qui mis bout à bout permettent de gérer le cycle de vie d’un dossier judiciaire, sans devoir utiliser le papier, mais en gardant la possibilité de le faire.
Le Consortium préconise que ce cœur de plateforme, gratuit et sous licence libre, soit utilisé par le Ministère de la Justice pour numériser certains aspects du fonctionnement judiciaire, ainsi que pour proposer une plateforme en ligne de règlement des litiges dont l’enjeu est inférieur à 4000 €.
- Des briques fonctionnelles moins chères, libres et agiles
Le cœur de plateforme du Laboratoire de Cyberjustice de Montréal a été conçu pour que des briques fonctionnelles puissent venir s’y greffer. Le Consortium propose d’organiser des projets de recherche et développement pour la réalisation de ces briques, afin de répondre à des appels d’offres du Ministère de la Justice.
Le Consortium préconise que les résultats des recherches ayant bénéficié d’un investissement public soient placés sous licence libre secteur public, les entreprises conceptrices gardant la possibilité d’exploiter leurs résultats dans le secteur privé.

Ce mécanisme permet, d’une part, de diminuer l’envergure des marchés publics, afin de placer l’État dans une position plus forte pour choisir ses prestataires et résilier les marchés. Le fonctionnement préconisé permet, d’autre part, de faire financer les briques par une exploitation dans le secteur privé, minimisant ainsi les besoins en termes d’investissement public.
Étienne Deshoulières
Avocat au barreau de Paris en nouvelle technologie – Enseignant en droit de l’arbitrage et droit de la propriété intellectuelle pour l’Université Panthéon-Assas – Co-fondateur de l’Institut digital d’arbitrage et de médiation
Thomas Saint-Aubin
Ancien responsable numérique du ministère de la Justice – Ancien responsable de la stratégie et de l’innovation de la DILA – Chercheur-associé eJustice à l’Ecole de Droit de la Sorbonne – Co-fondateur d’Open Law le Droit Ouvert et de Seraphin.legal – Administrateur de l’ADIJ
Laisser un commentaire
Votre adresse email ne sera pas publié. Les champs obligatoires sont marqués avec une *